La cause à l’origine de la diminution des exportations de l’asperge française en Allemagne
La diminution des importations de l’asperge française vers l’Allemagne est directement liée à l’érosion de ses volumes de production. En cause, le fusarium apparu dans les années 80/90 et induit par un puceron qui en l’espace de 15 ans, a détruit plus de 5000 hectares d’aspergeraies. « Cette problématique a d’abord touché le Sud-Est de la France. Et peu à peu, elle s’est étendue à l’ensemble des bassins de production du pays », précise Christian Befve, expert de renommée internationale sur l’asperge, fondateur et gérant de l’entreprise de consulting Befve & Co. L’identification tardive du responsable de cette hécatombe n’a pas permis d’agir à temps pour limiter les dégâts sur les cultures. Face à la division drastique de ses volumes, l’origine France n’a eu d’autre choix que de se retirer du marché allemand pour satisfaire en priorité la demande de son propre marché.
L’Allemagne : le plus gros importateur intereuropéen d’asperges
Mais pendant ce temps, les besoins de l’Allemagne - plus gros consommateur d’asperges en Europe - persistent. Face à la nécessité de satisfaire sa demande intérieure, le pays se tourne vers d’autres origines comme l’Espagne dans un premier temps, – à ce moment-là grosse productrice d’asperges blanches – puis la Grèce, l’Italie, les Pays-Bas et la Pologne. Des pays qui, à l’exception de la Hollande, bénéficient de coûts de main d’œuvre beaucoup plus compétitifs que la France, à hauteur de 2 à 3 fois moins importants. Des pays également comme l’Espagne qui, sans avoir besoin d’utiliser des paillages, présentent une précocité naturelle intéressante pour la commercialisation. Face à cette rude concurrence, une fois la problématique du puceron résolue, la France n’a jamais pu reprendre sa place d’importateur auprès de l’Allemagne. En 2021, les importations en asperges blanches vers ce même pays atteignaient les 5 741 tonnes pour la Grèce, les 3 188 tonnes pour l’Italie, les 1 946 tonnes pour les Pays-Bas et les 1 160 tonnes pour la Pologne. Un total de 12 000 tonnes, soit pratiquement le volume des exports français dans les années 90.
La mécanisation : atout indéniable de la production française
Si par le passé, l’asperge française a pu manquer de compétitivité, le contexte actuel lui est favorable. « Très tôt, la production française d’asperges a dû faire face à une main d’œuvre très onéreuse. Main d’œuvre dont elle est certes très friande, mais face à laquelle il a fallu trouver un moyen de réduire les coûts. Très vite, la production s’est donc adaptée à cette contrainte pour atteindre aujourd’hui un niveau de mécanisation élevé. Une mécanisation naissante dans les autres pays qui bénéficiaient jusqu’à présent de coûts de main d’œuvre abordables ». Ainsi, l’augmentation notoire du coût de la main d’œuvre de certains pays européens comme l’Allemagne (12€/h) ou encore l’Espagne (13€/h pour la main d’œuvre saisonnière) – coûts qui se rapprochent désormais des niveaux de prix français - permet à l’origine française de se battre de nouveau à armes égales en redevenant compétitive.
Un savoir-faire français reconnu
Un autre atout non négligeable de la production française réside dans le savoir-faire et l’expérience de ses asparagiculteurs : « Nous avons développé des techniques qui nous permettent d’avoir une maîtrise importante de la précocité et du rendement, avec l'utilisation notamment d’un, de deux ou de trois paillages, couplée avec celle d’un ou deux arceaux. La France est un des rares pays européens à utiliser ces techniques nouvelles. De ce fait, malgré sa position géographique, elle fait partie des premières origines à arriver sur le marché ».
Une production européenne en perte de vitesse : opportunité pour l’origine France
Véritable force de la production française, cette gestion de la précocité représente là-encore une opportunité pour les asparagiculeurs français dans le contexte actuel : « Avec l’augmentation du coût de la main d’œuvre, l’Allemagne, l’Italie, la Grèce et l’Espagne perdent des surfaces à hauteur de 5 à 15 % suivant les pays. Mais comme nous l’avons précédemment vu, les importations en Allemagne, elles, sont restées au même niveau ces 35 dernières années. Ce qui représente une réelle opportunité pour la France en premier lieu de limiter les importations allemandes (qui s’élevaient à 1172 tonnes en 2021 en mai), mais aussi de démarrer ses exportations dés mars - alors que la récolte en Allemagne n’a pas encore commencé - pour devenir l’origine référente en avril ».
Potentielle solution par ailleurs très bien perçue par une grande majorité d’asparagiculteurs français : « Lorsque j’ai réuni les professionnels de la filière le 1er juillet dernier, l’exportation vers l’Allemagne a été exposée comme piste de réflexion pour sortir la filière de la crise. Une proposition qui a été très bien perçue ».
Le marché suisse : débouché intéressant pour les asperges françaises Bio et Demeter
Outre l’Allemagne, d’autres marchés peuvent représenter une opportunité pour les exportations de l’Hexagone, comme les USA, le Japon et la Suisse où l’asperge française, bien que dans des proportions encore très limitées, est représentée. La Suisse, peu productrice d’asperges, peut par ailleurs s’avérer être un marché très intéressant pour la production bio : « Les Suisses sont très friands de produits biologiques et biodynamiques qu’ils n’hésitent pas à payer à un bon prix. Il est d’autre part communément admis que le cahier des charges bio français est le plus exigent du monde. Alors que la filière bio française est en crise faute de consommation, là encore, renforcer les exportations vers la Suisse peut s’avérer être une solution particulièrement adaptée pour sortir les asparagiculteurs bio français de la crise ».
Au regard de tous les éléments exposés dans cet article, il semblerait que le temps soit venu pour l’asperge blanche française de (re)conquérir les tables de contrées plus éloignées.
Pour plus d’informations :
www.befve.com