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France : décodage de la crise des fruits d’été

Entre les conditions climatiques et la concurrence espagnole, les producteurs de fruits d’été se trouvent actuellement dans une grande détresse.

Dans la Drôme, Damien Badel qui cultive des abricots sur le terroir de Tain-l’Hermitage. Il commente les effets indésirables qu’a eu le climat sur ses abricots : « Même si l’abricot est gros, juteux, coloré, à la moindre petite imperfection, les calibreuses à tri optique le dégagent. L’année dernière 18 % de notre production est partie à la poubelle. On m’en a donné 4 centimes du kilo... ». L’année prochaine, il ne conservera qu’une petite parcelle de ses dix hectares actuels. Celle-ci sera destinée à la vente directe. Pour réaliser son chiffre d’affaires, il se focalisera sur ses dix hectares de vignes. 

« Aujourd’hui, on ne s’intéresse plus qu’à l’esthétique, au calibre, à la couleur. Les agréeurs s’en servent pour faire baisser les prix. On ne se préoccupe plus du tout de l’aspect gustatif », déplore l’agriculteur. Il indique s’être pourtant investit dans sa production : « J’y suis allé à fond, j’ai respecté les cahiers des charges imposés par la grande distribution française et européenne, je devais avoir des nuanciers indiquant la couleur de ramassage des fruits. Tout cela pour arriver péniblement à une moyenne entre 50 et 60 centimes du kilo alors qu’il me faudrait au minimum entre 70 et 80 centimes du kilo. Et encore il ne faut pas que je compte l’amortissement du matériel et mon travail. Après on se demande pourquoi je n’ai pas envie de continuer ! Ce que je me demande, c’est pourquoi on a continué aussi longtemps. »

Concernant l’arboriculture française, les statistiques du ministère de l’Agriculture indique que 29 % des exploitations fruitières ont disparu en seulement six ans, entre 2010 et 2016. Le verger français a ainsi diminué de 7 % sur cette même période. Les vergers de pêches et de nectarines sont les plus touchés avec la disparition de plus de la moitié des superficies cultivées.

France Agrimer précise que la production de fruits en France est en recul depuis 15 ans, passant de 3,4 millions de tonnes en 2002 à 2,8 millions de tonnes en 2016. En parallèle, les importations augmentent et le déficit de la balance commerciale se creuse — elle était de 2,15 millions de tonnes en 2016.

Victoire Genest, directrice de la Fédération nationale des producteurs de fruits (FNPF) précise qu’il s’agit d’une crise structurelle qui a commencé avec l’adhésion de l’Espagne à l’Union Européenne en 1986. L’Espagne a bénéficié des fonds européens pour subventionner les infrastructures et implantations », raconte Pierre Vulpian, président de la FNPF et producteur de pêches, de nectarines et d'abricots dans la Crau (Bouches-du-Rhône). « Pour les fruits, entre 50 et 60 % du coût de production est représenté par la main-d’œuvre. Leurs salaires sont 30 à 40 % moins élevés que les nôtres, sans compter que l’inspection du travail espagnole n’est pas très regardante sur le respect du droit. Résultat, la production française de pêches et de nectarines a été divisée par deux en 15 ans. » Ce producteur de 80 hectares de vergers se plaint aussi des restrictions sur les produits phytosanitaires : « En France, il y a une surtaxe sur les produits phytosanitaires [pesticides] qui n’existe pas ailleurs. En plus, certains produits sont interdits. »

Le réchauffement climatique est lui aussi a mettre en cause dans cette crise des fruits d’été. « Il y a de nouveaux ravageurs, comme la drosophile suzukii ou les palombes qui se sédentarisent et mangent les cerises et les petites nectarines au printemps ; il y a aussi une multiplication des gelées printanières. Les pertes sont montées jusqu’à 90 % ces trois dernières années », précise Emmanuel Aze, en charge du dossier arboriculture à la Confédération paysanne. On note aussi une avancée des dates de récolte : de 1980 à 2007, l’époque de floraison aurait avancé d’environ sept jours.

De son côté, Damien Badel observe une recrudescence de la grèle : « Elle vient tous les ans alors que quand j’ai commencé, on pouvait enchaîner trois ans sans grêle. » « On est pris en tenaille entre les effets du dérèglement climatique et la distorsion de concurrence, constate Emmanuel Aze. Nous sommes dans une situation d’étranglement économique depuis les années 90, et on n’a pas le moindre sou à investir dans l’adaptation au climat – sachant que les solutions existent – et les attentes des consommateurs qui veulent des produits plus écologiques. »

Pour sortir de cette crise, la Confédération paysanne propose la mise en place de prix minimums d’entrée des fruits et légumes sur le marché français, ne pouvant être inférieur au « prix de revient ». « Ces prix minimums injecteraient aussi de la valeur de l’autre côté de la frontière et contribuerait à une harmonisation vers le haut de l’Europe sociale », indique Emmanuel Aze. Cette proposition est cependant rejetée par la FNPF qui la juge trop difficile à mettre en place. « Il y a un prix différent chaque jour et pour chaque producteur. Construire des indicateurs est à s’arracher les cheveux », estime la directrice Victoire Genest. « Ce n’est pas la question de l’importation en tant que telle qui pose problème, on pourrait s’entendre avec les producteurs espagnols sur le calendrier, pour privilégier en pleine saison le marché intérieur. »

Si la concurrence venait aujourd’hui principalement d’Espagne, il faudra compter désormais sur des pays comme la Tunisie qui vient concurrencer les fruits de la péninsule ibérique.

 

Source : reporterre.net