L’appel lancé le 24 mars par le ministre de l'Agriculture pour sauver les productions agricoles a été entendu : de nombreuses personnes ont offert leurs services pour aider à la récolte. En moins d'une semaine, plus de 200 000 candidats ont postulé sur le site « Des bras pour ton assiette » mis en place pour l’occasion.
« Cette crise aura au moins ça de bon : elle replace l'agriculture nourricière au cœur des priorités du pays. Il y a une solidarité nationale pour ceux qui soignent comme pour ceux qui nourrissent », explique David Sève, arboriculteur et président de la FDSEA dans le Gard. Le département du Gard est très affecté par les problèmes de main-d’œuvre : d’habitude, 25 000 saisonniers sont embauchés chaque année pour les récoltes.
L’arboriculteur emploie actuellement 70 personnes sur les 100 usuels pour son exploitation de 100 ha de vergers à Beaucaire. Le site lui a proposé une cinquantaine de candidatures. « J'ai été agréablement surpris par cet afflux de demandes, observe-t-il. J'ai aussi eu beaucoup de propositions de bénévolat au sein de la population locale : des commerçants qui ont fermé boutique, des travailleurs de la restauration, etc. Maintenant, il faut étudier toutes ces candidatures, qui proviennent de toute la France. On ne pourra pas faire venir des gens de régions trop éloignées. De plus, il y a beaucoup de candidats qui n'ont jamais approché le milieu agricole. C'est un travail physique. Vont-ils tenir le coup ? ».
A Générac, même son de cloche. L’arboricultrice Nathalie Bonnet avait besoin de 380 personnes pour la récolte, les travaux en vert et le conditionnement des fruits de son domaine de 350 ha. « Habituellement, nous faisons appel à une main-d'œuvre étrangère, car en France, malgré le taux de chômage élevé, on n'arrive pas à recruter, souligne-t-elle. Ce sont des Polonais, des Roumains ou des Espagnols qui arrivent habituellement à la mi-mai et font la saison. Nous avons été très surpris de l'afflux de candidatures suite à notre annonce sur le site « Des bras pour ton assiette » ! Nous avons reçu à ce jour plus de 600 demandes. Nous sommes en train de les étudier. Le problème, c'est que nos besoins sont pour mi-mai. Tous ces gens seront-ils encore disponibles si le confinement prend fin en avril ? ».
Dans les serres de tomates d’Anne-Claire Goyer, la main-d’œuvre devrait permettre de récolter les 6 000 tonnes annuelles usuelles. Les profils sont très divers, de coiffeurs à paysagistes, ou personnes travaillant sur les marchés. Environ 10 % de sa force ouvrière a habituellement un autre métier. Le fait que le Ministre ait précisé qu’on pouvait cumuler le chômage partiel avec un autre travail a motivé les citoyens à proposer leur aide. « De manière globale, je trouve que c’est intéressant de faire découvrir nos métiers à des gens qui ne viennent pas forcément de notre secteur. Et cela peut permettre de s’aérer l’esprit pendant le confinement. Enfin, pour nous, c’est essentiel, car avril est une période de récolte importante », déclare l’agricultrice.
Afin de préserver la santé des ouvriers, ils sont disposés sur un rang de tomates chacun dans la serre. De plus, les heures d’embauche ont été échelonnées. Certaines mesures mises en place avant la crise continuent de servir : « Nous avons des pédiluves à l’entrée de chaque serre et du gel hydroalcoolique, pour éviter de propager les maladies de la tomate et pour protéger les plantes. Du coup, ça sert dans ce contexte d’épidémie. En revanche, nous avons choisi de donner nos masques au personnel soignant, donc nous sommes en rupture de stock. Certains viennent travailler avec des masques faits maison », explique Anne-Claire Goyer.
Au niveau de la distribution, le basculement vers les produits français a grandement aidé : « On n’a pas besoin de stocker, alors que les années précédentes, on avait plus de mal face aux tomates importées du Maroc, par exemple. Ce changement s’est clairement ressenti à notre échelle, la grande distribution a vraiment joué le jeu. J’espère que cela permettra de se poser les bonnes questions une fois que la crise sera finie », conclut-elle.
Pour les producteurs d’asperges, le problème aura finalement été l’écoulement de leurs produits. Entre la fermeture des restaurants et l’approvisionnement des grandes surfaces à l’étranger (avant qu’ils ne s’engagent à acheter local), la famille Amouroux, qui exploite une aspergeraie de 14 ha, a rencontré des difficultés à vendre ses produits. « Nous vendons beaucoup à Métro, qui sert surtout les restaurateurs. Et la grande distribution s'était approvisionnée en Espagne. Les appels du ministre et de la FDSEA pour que la grande distribution achète en France ont payé : au bout de 10 jours, les enseignes ont acheté nos produits. Nous avons perdu 5 à 10 tonnes d'asperges non récoltées, soit 8 à 16 % de notre production, sans compter les prix très bas que nous avons consentis la première semaine pour écouler notre production », explique Serge Amouroux.
Source : latribune.fr / 20minutes.fr