Les messages affluent sur le registre de condoléances ouvert après l'annonce du décès de Simon Groot hier. Bien qu'il soit décédé à un âge respectable, le fondateur d'East-West Seed laisse un grand vide. En même temps, ses connaissances indiquent qu'il a fait tout ce qui était en son pouvoir pour préserver son héritage et son leadership intellectuel. Telle était sa mission : veiller à ce que des semences de qualité soient mises à la disposition des agriculteurs du monde entier. Anton van Doornmalen, Louise Fresco, Rob Baan et Niels Louwaars nous parlent de ce que Simon Groot et East-West Seed représentent pour le secteur horticole et pour le monde.
© East West Seeds
L'homme aux semences
Une appellation qui résume parfaitement Groot : son travail, sa passion, sa conviction, sa responsabilité. « Rien de plus et rien de moins. Et c'était aussi toute sa vie », dit Anton van Doornmalen, ancien directeur général de Rijk Zwaan.
Il est presque impossible de l'imaginer, mais l'industrie néerlandaise des semences, aujourd'hui mondialement influente, n'en serait peut-être jamais arrivée là sans l'école primaire d'Enkhuizen. Dans les années 1930, Simon Groot et Maarten Zwaan, qui deviendra plus tard directeur de Rijk Zwaan, y étaient tous deux scolarisés. Même Anton van Doornmalen, qui a dirigé Rijk Zwaan pendant de nombreuses années avec Zwaan, connaissait Simon Groot avant de le rencontrer en personne. « Bien sûr, nous étions des concurrents, mais nous étions avant tout des collègues. Et nous étions aussi très clairement amis. » Au fil des décennies, d'innombrables conversations ont suivi sur le secteur de l'amélioration variétale, la planète monde et la valeur ajoutée des semences.
Après avoir vendu l'entreprise familiale Sluis & Groot, Groot a créé East-West Seed en 1982. C'est lorsque Zwaan et van Doornmalen lui rendent visite à Bangkok, qu'ils vérifient une fois de plus sa profonde motivation. « L'importance que notre secteur peut avoir pour les petits agriculteurs de ces pays est également devenue très claire à ce moment-là. Cette mission commune - mettre de meilleures semences à la disposition des agriculteurs - a rapproché les deux entreprises. »
« Les semences sont à la base de l'approvisionnement alimentaire. Il est possible d'apporter une valeur ajoutée considérable avec des investissements relativement limités en créant de meilleures variétés et en mettant la technologie à la disposition des petits exploitants. C'est ainsi que l'on élève la production de légumes à un niveau supérieur et que l'on fait vraiment la différence. C'est la valeur la plus importante, et c'est ce à quoi Simon est toujours revenu : c'est la base de la chaîne alimentaire. Nous pouvons l'assurer, et c'est aussi notre responsabilité de le faire. Et c'est ce qu'il a fait sous toutes les formes. »
Poussée en partie par la passion de Groot, l'équipe de Rijk Zwaan a été convaincue de la nécessité de lancer également des opérations en Afrique, ce qui a donné lieu à la création conjointe d'Afrisem. « Pour que les agriculteurs de cette région puissent eux aussi avoir accès à de meilleures semences et obtenir ainsi de meilleurs résultats. »
© Rijk ZwaanL'ouverture d'Afrisem en 2008, avec de gauche à droite en costume : Anton van Doornmalen, copropriétaire et président du conseil consultatif de Rijk Zwaan, David Mathayoen, secrétaire d'État à l'agriculture de Tanzanie, et Simon Groot, fondateur et président du conseil d'administration d'East West Seed.
Responsabilité
Le sens des responsabilités de Groot et le travail d'East-West Seed ne s'est pas arrêté avec l'âge, bien au contraire. Van Doornmalen se souvient des nombreuses conversations qu'ils ont eues sur l'importance des entreprises familiales dans le domaine de la sélection et sur l'organisation d'une bonne succession. « Comment faire en sorte que ce que nous avons construit aujourd'hui puisse être transmis à la génération suivante ? » Il ne s'agissait pas tant de ses propres enfants, qui ont d'abord fait carrière en dehors de l'entreprise, que du maintien des activités commerciales pour les nombreux agriculteurs qui utilisent les semences d'East-West. « Dans notre secteur d'activité - et certainement dans les régions où East-West opère - il s'agit d'investissements à long terme qu'on ne récupère pas rapidement. La sélection pour ces régions et pour les petites exploitations agricoles est en fait une combinaison de coopération au développement et d'entreprise. Il faut un engagement à long terme pour que les exploitations soient rentables. Une entreprise familiale peut s'engager dans cette voie. C'est ainsi qu'il voulait assurer son travail pour l'avenir. »
Nombre de ces conversations ont eu lieu en Afrique, à Afrisem. Lorsque Groot y a fêté son 75ème anniversaire, van Doornmalen a chanté symboliquement 'We are just Seedsman'.
'Nous ne sommes que des semenciers, et notre histoire est rarement racontée. Nous devons quitter nos maisons et nos familles lorsque nous voulons faire notre travail. Nous recherchons le meilleur endroit où semer des semences de qualité. Cette combinaison unique de haute technologie et de sens humain est le meilleur moyen d'assurer la croissance et les projets d'avenir.'
Cinq ans plus tard, lorsque Groot a fêté son 80ème anniversaire lors d'une conférence sur la sélection à l'Institut tropical, il a de nouveau repris une version adaptée de la chanson, cette fois sur l'air de John Denver.
'East West est peut-être plus qu'un lieu de travail. Un abri contre la tempête. Il existe pour vous donner du réconfort. Pour se développer, pour se produire. Et après les périodes de voyage, lorsque vous faites connaître votre entreprise avec beaucoup de souvenirs et de bons plans, vous rentrez à la maison.'
'Peut-être qu'East West est comme l'océan. Plein de défis, plein de changements. Comme un feu quand il fait froid dehors, ou une graine quand il pleut. Créez et construisez ensemble, et réalisez vos rêves. De nombreuses opportunités sont offertes à East West.'
« Ce sont des moments et souvenirs que je garde dans mon cœur. Être concurrent d'un côté et ami d'un autre. Ce mélange, cette passion, c'est ce qui rend les choses si belles. »
© Rijk Zwaan Photo prise lors de la célébration des 80 ans de Simon Groot
Une vision toujours d'actualité
« Permettez-moi de dire brièvement que Simon Groot a joué un rôle déterminant dans la culture des légumes tropicaux et qu'il a très tôt compris l'importance des légumes pour la nutrition et la santé, ainsi que pour les revenus des femmes. En cela, il a été un véritable précurseur. Il a été très actif jusqu'à la fin et a été un exemple pour beaucoup par son engagement », a dit Louise Fresco, auteur, scientifique et ancienne présidente de l'Université de Wageningen.
Louise Fresco et Simon Groot
Lors du symposium organisé à l'occasion du 80ème anniversaire de Simon Groot, elle a parlé de l'importance de l'horticulture dans des pays comme le Myanmar, décrivant l'importance de l'agriculture comme vitale. « Simon laisse derrière lui non seulement une merveilleuse entreprise, mais aussi une vision de l'horticulture tropicale qui est aussi pertinente aujourd'hui qu'elle l'était lorsqu'il a commencé. J'espère vivement que les leçons qu'il a tirées de l'Asie trouveront une application encore plus grande en Afrique. »
Le potentiel de l'horticulture
« Ce qui est unique dans la profession de semencier, c'est son énorme potentiel d'amélioration de l'horticulture pour des millions de producteurs, dont le plus grand ennemi est la mauvaise semence », a déclaré Rob Baan de Koppert Cress. « Simon, qui est né et a grandi dans une famille de négociants en semences, a choisi une direction complètement différente avec ses études d'économie. Il a étudié à Rotterdam et s'est retrouvé à l'école de Tinbergen. Ce n'est qu'à ce moment-là qu'il s'est rendu compte du pouvoir commercial des semences développées par ses ancêtres. L'occasion s'est présentée lorsque l'entreprise Sluis & Groot a été vendue, à ses yeux, trop tôt à Sandoz. Bien que la famille en ait tiré un grand profit, cette entreprise aurait pu valoir des milliards. Après tout, les connaissances contenues dans la génétique des semences sont en fait comparables aux puces informatiques d'aujourd'hui. »
À partir de son capital social, il crée aux Philippines, à l'abri des multinationales, une entreprise de semences pures : East West Seed, qui s'adresse aux petits maraîchers. « Ces petits producteurs étaient impuissants face à tous les escrocs qui collectaient des semences de qualité inférieure dans le monde entier et les emballaient dans des sacs joliment colorés avec de trop belles photos. Et l'on ne s'aperçoit de la supercherie que lorsque les semences sont devenues des plantes - avec un produit invendable et malade. Au début, la sélection était simple : choisir les meilleures plantes, produire des semences propres et pures et les améliorer année après année. C'est alors qu'elle a une valeur énorme pour les petits producteurs. Il ne faut pas faire payer trop cher pour que tout le monde puisse en profiter. C'est ce qu'il a fait pour de nombreuses cultures en Asie. Et c'est ce qu'il fait aujourd'hui en Afrique et en Amérique du Sud. »
Baan se souvient d'une carte de Noël de Groot montrant la femme d'un agriculteur africain assise fièrement derrière une énorme pile de courges, d'une valeur de 3 000 € alors que le matériel de départ n'en coûtait que 5. « Simon était trop modeste pour partager cette information. Beaucoup d'ONG pourraient s'en inspirer : donnez à un affamé de bonnes semences et quelques connaissances, et vous en ferez en un entrepreneur. »
Les sélectionneurs ont souvent parlé du marché international des semences des pays pauvres. « Les idées fusaient. C'est ainsi qu'est né le projet de jardins scolaires, au niveau international. Simon était déjà actif, notamment aux Philippines. Les écoles aussi, tout comme les petits producteurs, méritent des semences de qualité pour apprendre. Enfin, si déjà ils ont la chance d'avoir un jardin. »
De nombreuses entreprises et bénévoles expérimentés ont cotisé pour remettre le jardin d'apprentissage sur le devant de la scène. « Carola Schouten, ministre de l'agriculture, s'en est bien occupée avec les fonctionnaires compétents, et sous ses successeurs, de grands progrès ont également été réalisés. Entre-temps, ces jardins scolaires sont un succès. J'espère maintenant que la voie tracée par le ministère se poursuivra. Lors de ma dernière conversation avec Simon, il y a quelques semaines, il a insisté sur le fait qu'il fallait avant tout poursuivre dans cette voie. »
Les semences tropicales d'East West ne conviennent pas à la culture en plein air dans les jardins néerlandais. « Mais il encourageait justement ses collègues semenciers à fournir les meilleures semences pour ces espaces d'apprentissage. Simon ne faisait pas ça pour lui-même, mais pour l'avenir de l'horticulture, la consommation de légumes et l'amour de son métier. Heureusement, ses semences se vendent très bien au Suriname, où nous avons également un projet de jardins d'apprentissage. Là-bas, personne ne connaît Simon Groot, mais tous les écoliers connaissent désormais East West Seeds. »
« Nos conversations me manqueront beaucoup. Ensemble, nous pouvions regarder le monde - loin de nous, mais aussi parfois tout près - depuis notre fauteuil de salon et le refaire. Avez-vous lu cet article ? Quels ont été les résultats de vos essais ? Comment se portent les jardins scolaires ? Quelles variétés utilisent-ils maintenant ? »
« Nous avons bâti de belles bases, la récolte devrait donc être à la hauteur. Mais cela demandera certainement de efforts afin de faire perdurer son héritage. »
« Un visionnaire obstiné qui a offert une vie meilleure à des millions d'agriculteurs »
Niels Louwaars a fait ses adieux en tant que directeur de l'association professionnelle Plantum en octobre, mais il a connu Groot plusieurs décennies auparavant, depuis qu'il a obtenu son diplôme à la WUR. Tout au long de sa carrière, ils se sont rencontrés régulièrement, sous les tropiques ou ailleurs, où Louwaars travaillait pour divers projets. Sa disparition l'attriste également. Non seulement en raison des contacts qu'il a entretenus avec Groot au fil des ans, mais aussi en raison de l'impact que ce derniera eu sur l'industrie mondiale des semences potagères - et sur les millions d'agriculteurs qu'il a réussi à toucher.
« C'est un impact que l'on ne peut ignorer. East West Seed était en quelque sorte révolutionnaire. Il a lancé quelque chose que personne ne faisait : de meilleures semences de légumes pour les tropiques. Pas du riz ou du maïs, mais des haricots longs, des courges - des légumes tropicaux dont on n'avait jamais entendu parler aux Pays-Bas. Le groupe cible était aussi frappant que le choix des cultures : des petits agriculteurs disposant d'à peine un demi-hectare de terre. Groot a été l'un des premiers à comprendre qu'ils étaient précisément la clé de la sécurité alimentaire. Son approche était fondamentalement différente. Il ne s'est pas contenté de fournir de meilleures semences, il a investi massivement dans l'éducation. Il savait que sans connaissances, un agriculteur ne tirerait jamais le meilleur parti d'un bon matériel de départ. »
Des millions de personnes nourries
« On peut dire sans exagérer qu'il a structurellement amélioré la vie de millions d'agriculteurs. Et qu'il a ainsi indirectement enrichi le régime alimentaire de dizaines de millions de personnes. » Le travail de Groot a débuté aux Philippines, mais s'est étendu à l'Indonésie, à la Thaïlande, à l'Afrique et à l'Amérique latine. Il en a résulté le Prix mondial de l'alimentation en 2019 - un prix qui était traditionnellement attribué à des cultures caloriques comme le riz ou le maïs, mais qui a été décerné pour la première fois à quelqu'un issu du secteur des semences végétales. « J'ai trouvé que c'était un moment merveilleux pour tout le secteur horticole : une reconnaissance pour la nutrition plutôt que pour le remplissage. »
En mission
Selon Bouwaars, Groot était également un vrai Hollandais têtu, mais dans le meilleur sens du terme. « Il était tenace dans sa vision et son esprit d'entreprise. Obstiné, mais toujours constructif. Il était plein d'idées, et les discussions avec lui portaient toujours sur le fond : sur les semences, sur les pays, sur les habitants. » Cette ténacité se reflète également dans son attitude à l'égard de la succession familiale. « Au début, il ne voulait pas que ses enfants participent à l'entreprise. Ce n'est qu'après avoir trouvé leur propre voie qu'ils se sont impliqués dans East West Seed. Il disait toujours : 'L'entreprise est mon hobby, choisissez ce que vous voulez faire.' Ses enfants ont fini par revenir, mais jamais par leur nom de famille. »
Des racines néerlandaises
Bien qu'East West Seed ait son siège en Thaïlande, les liens avec les Pays-Bas sont restés forts. « Le pôle néerlandais de sélection végétale est unique au monde. C'est également la raison pour laquelle Simon est resté étroitement lié à Plantum, bien que ses activités aux Pays-Bas aient été limitées. Il croyait en la coopération : en tant que secteur, nous devenons plus forts en partageant nos connaissances, même si nous sommes en concurrence sur le marché. »
Groot comprenait également l'importance d'une gouvernance solide pour les entreprises familiales. « Il parlait ouvertement de questions telles que : Comment préserver votre mission à long terme ? Comment empêcher les repreneurs de diluer votre vision ? Au sein de Plantum, nous avons ce genre de conversations avec de nombreuses entreprises familiales. »
Simon Groot est décédé le 6 juillet, mais son influence restera. Il a été actif jusqu'à la fin, plein de projets, plein de passion. Cette vision elle est profondément ancrée dans la culture d'entreprise, dont trois membres de la famille Groot porteront l'héritage.
