Les smartphones s'imposent de plus en plus comme de véritables laboratoires de terrain pour les agronomes, en associant enzymes CRISPR, amplification isotherme de l'ADN et lectures optiques. Déjà éprouvées contre le mildiou de la pomme de terre, ces plateformes sont désormais adaptées au mildiou précoce (Alternaria solani), une maladie qui entraîne des pertes de rendement et accroît les coûts de traitement.
Le mildiou précoce se manifeste généralement par de petites taches sombres sur les feuilles inférieures, mais l'observation visuelle reste incertaine et peut conduire à des pulvérisations fongicides inutiles. Un test moléculaire rapide, utilisable directement au champ, permettrait d'établir un calendrier de traitement plus précis.
Un protocole pratique combine l'amplification par polymérase à recombinase (RPA), la détection CRISPR-Cas12a et une lecture via smartphone. La RPA amplifie l'ADN en une vingtaine de minutes à 37–42 °C. Cas12a, guidée par des séquences d'ARN, déclenche alors un clivage collatéral produisant un signal fluorescent ou colorimétrique. La lecture se fait grâce à des optiques à clipser sur le téléphone ou via de simples applications de colorimétrie. La préparation des échantillons s'appuie sur des tampons simplifiés, des bandelettes en papier ou encore des patchs à micro-aiguilles capables d'extraire l'ADN directement des feuilles en une minute.
Des études récentes confirment la faisabilité de ce type de diagnostic. En 2025, un système RPA-CRISPR-Cas12a intégré à un smartphone a permis de détecter Phytophthora infestans (agent du mildiou) en 60 à 90 minutes, à des concentrations d'environ 2 pg/µL, avant même l'apparition des symptômes. Une autre étude a validé la détection par RPA-CRISPR d'espèces d'Alternaria dans le blé, démontrant la spécificité de l'essai. Des plateformes de colorimétrie sur smartphone, comme RAVI-CRISPR et l'application MagicEye, ont également montré des performances fiables en conditions de terrain.
Un flux de travail optimisé pour le dépistage du mildiou précoce pourrait inclure : prélèvement par micro-aiguilles, 20 minutes d'amplification RPA, 10 à 20 minutes de détection CRISPR, puis analyse sur smartphone. Les décisions de traitement pourraient ainsi être prises en moins de 90 minutes, permettant d'avancer ou de différer les pulvérisations en fonction de la présence confirmée d'A. solani.
La précision analytique repose sur la conception de guides évitant toute réactivité croisée avec A. alternata et d'autres agents pathogènes foliaires. La spécificité, la résistance aux inhibiteurs contenus dans les tissus de pomme de terre et la maîtrise des contaminations restent des enjeux majeurs. Des réactifs stables à température ambiante, des tubes scellés et des optiques de téléphone standardisées sont en cours de mise au point afin de limiter la variabilité des résultats.
Comparés au dépistage visuel et à l'imagerie hyperspectrale, les tests CRISPR détectent directement l'ADN du pathogène, offrant une confirmation précise plutôt que des signaux de stress indirects. Si la PCR reste la référence en laboratoire, la technologie CRISPR propose une solution portable, spécifique et plus rapide que les tests LAMP.
Les principaux freins à l'adoption concernent le coût, encore supérieur à celui des tests LAMP, ainsi que le besoin de données de validation avant intégration dans les protocoles de la filière. Toutefois, le développement de kits multiplex pourrait élargir le spectre des diagnostics aux pathogènes responsables du mildiou, de la jambe noire et de la pourriture molle, transformant le smartphone en véritable laboratoire de terrain.
Les chercheurs soulignent que la pression climatique et l'incertitude des marchés accélèrent l'adoption de ces diagnostics de précision. Les tests Smartphone-CRISPR pour le mildiou devraient passer du stade de prototypes expérimentaux à celui de kits opérationnels d'ici un à deux ans.
Source : Potato News Today