Les régions productrices d'ail du monde entier traversent une saison marquée par une offre irrégulière, des flux commerciaux en mutation et une pression accrue sur les prix.
L'Italie signale des prix stables, soutenus par une disponibilité régulière, tandis que l'Espagne fait face à une baisse de production, à des coûts en hausse et à une concurrence renforcée des origines à bas prix, ce qui modifie profondément la dynamique du marché. En France, la nouvelle saison démarre avec une qualité globalement satisfaisante, mais une pénurie notable de petits calibres pourrait peser sur la commercialisation en 2025.
Aux Pays-Bas, les détaillants délaissent l'ail espagnol au profit d'origines jugées plus constantes en qualité. En Amérique du Nord, l'offre demeure équilibrée, mais les marges se resserrent sous l'effet cumulé des droits de douane et d'un ralentissement de la demande. En Allemagne, le marché de l'ail aborde le mois de décembre avec une disponibilité stable et de légères fluctuations tarifaires.
© Stefan Jansen van Nieuwenhuizen | FreshPlaza.fr
L'Égypte poursuit l'extension de ses surfaces plantées et anticipe une augmentation de la production, même si des incertitudes persistent concernant l'évolution des semences et l'impact des conditions météorologiques. En Afrique du Sud, la nouvelle saison s'ouvre sur des volumes élevés, une pression sur les prix et des inquiétudes persistantes liées au commerce informel.
En Chine, le secteur de l'ail traverse sa principale fenêtre d'exportation, avec des prix stables et une demande mondiale modérée qui rythme l'activité du marché. Au Pérou, les volumes progressent, mais les prix reculent sous l'effet de l'agressivité commerciale de la Chine, qui perturbe également son principal débouché, le Mexique. Le Brésil, pour sa part, fait face à des prix déprimés en raison de stocks de report importants et de coûts d'importation réduits. La récolte plus abondante de l'Argentine arrive, elle aussi, sur un marché saturé, influencé par les niveaux de prix chinois et brésiliens, ce qui limite les perspectives de reprise.
Au Chili, la production massive se heurte à la même pression mondiale exercée par l'ail chinois à bas prix, tandis que le Mexique évolue dans un environnement instable, marqué par d'importants arrivages sud-américains et l'impact persistant des offres chinoises à bas prix.
Italie : des prix stables malgré la pression du marché international
Les prix de l'ail se sont stabilisés après les hausses constatées en 2024, rapporte un influent producteur et négociant du nord de l'Italie. Cette stabilité s'explique par l'abondance de l'ail chinois sur le marché mondial, qui exerce un effet régulateur. Dans les prochaines semaines, l'Italie accueillera également les arrivages d'ail argentin. Le pays ne produisant qu'environ la moitié de sa consommation, il dépend fortement des importations ; l'Espagne restant son principal fournisseur grâce à des coûts de production nettement inférieurs. Parallèlement, un marché parallèle existe pour les ails « de marque » et les ails IGP, vendus à des prix bien plusélevés, maiss toujours appréciés des consommateurs.
Selon un producteur et négociant du sud du pays, la commercialisation s'est déroulée de manière satisfaisante jusqu'à présent, avec des prix acceptables à la production comme à la distribution. Cependant, les dynamiques internationales ont fortement influencé l'évolution du marché. « Au début de la saison, en été, les prix ont été tirés vers le haut par le marché espagnol, confronté à une baisse de la production nationale. Cela a favorisé l'arrivée d'ail provenant d'autres pays producteurs, en particulier de Chine, de Turquie et d'Égypte, provoquant une explosion des volumes disponibles en Europe (Italie et Espagne incluses) au point que certains entrepôts disposent encore aujourd'hui de stocks à écouler. »
L'Espagne a notamment été confrontée à une situation délicate. « Le flot d'ail égyptien, meilleur marché, a créé un blocage : l'ail espagnol, plus coûteux, est resté en stock tandis que l'ail égyptien, malgré une qualité inférieure, gagnait du terrain dans la distribution », explique l'opérateur. Un paradoxe pour le premier producteur européen, traditionnellement tourné vers l'export.
Espagne : des ventes atones et une pression accrue des origines à bas prix
L'ail espagnol traverse plusieurs mois de ventes particulièrement calmes, dans un contexte où l'offre issue de pays tiers continue de croître. Les origines à coûts modérés gagnent du terrain, reléguant l'ail espagnol à une position plus délicate.
« Depuis deux ou trois mois, le marché est quasi paralysé. Les ventes sont particulièrement faibles et se limitent aux commandes de clients réguliers dont les contrats sont déjà en place », explique le représentant de la principale association espagnole de l'ail.
Les prix d'achat sur le terrain demeurent élevés, entraînant des prix de vente également élevés, tandis que les volumes commercialisés diminuent. Malgré une superficie plantée comparable à celle de l'an dernier, la production totale a reculé d'environ 15 %, et l'ail violet a été particulièrement touché, avec une baisse proche de 30 %, en raison des vagues de chaleur, de virus et de champignons. Les coûts de production ont par ailleurs augmenté d'environ 30 % en deux ans.
« Face à des prix élevés pour l'ail espagnol, les importations de pays tiers à prix plus bas augmentent fortement, en particulier celles d'Égypte, désormais première origine importée en Europe. Les importations turques progressent elles aussi, et de nouvelles origines, qui n'exportaient pas auparavant et importent elles-mêmes de l'ail de Chine, entrent désormais sur le marché », rapporte l'association. « Cette montée en puissance des importations pèse sévèrement sur les producteurs espagnols, qui ne peuvent rivaliser avec des coûts de production beaucoup plus bas. Pour la première fois, le quota maximal d'importations hors UE a été entièrement utilisé. »
La perte de parts de marché est aggravée par la baisse des rendements, liée à des contraintes phytosanitaires strictes imposées par la Commission européenne. « Pendant ce temps, des produits non-conformes aux mêmes règles entrent librement sur le marché », souligne le directeur.
France : un produit de qualité, mais un manque critique de petits calibres
Lors du lancement de la campagne 2025 en septembre, la qualité de l'ail français était jugée globalement extrêmement satisfaisante dans toutes les régions, mais la pénurie de petits calibres préoccupait fortement, ceux-ci étant de plus en plus demandés par les détaillants. Les importations ont reculé de 9 %, les exportations ont légèrement progressé, et la consommation est restée stable. Une étude à venir devrait permettre de mieux cerner les attentes des consommateurs.
Les situations régionales restent contrastées : l'IGP Ail de la Drôme a connu une saison « normale » avec de gros calibres ; Cadours a présenté une gamme de calibres hétérogène ; Lautrec a souffert de dégâts majeurs dus à la grêle ; Arleux a signalé une qualité élevée et une bonne tenue en conservation ; Billom a vu ses rendements diminuer sous l'effet de la canicule ; Piolenc a enregistré des volumes légèrement inférieurs mais un bon démarrage commercial ; la Lomagne a majoritairement produit des gros calibres.
Malgré cette qualité satisfaisante et un bon potentiel de conservation, l'ANIAIL s'inquiète de la pénurie de petits calibres susceptible de perturber la commercialisation en 2025. L'association appelle les distributeurs à soutenir la valorisation des calibres moyens et gros et à préserver la diversité de la production nationale.
Les tendances actuelles semblent confirmer ces craintes : de nombreux distributeurs privilégient les références à bas prix, au détriment des calibres plus grands, pourtant essentiels à l'équilibre économique des producteurs. Si, pour l'instant, toutes les origines trouvent encore preneur, la situation à moyen terme demeure très préoccupante pour la filière française.
Pays-Bas : un déplacement de la demande vers des origines jugées plus fiables
Selon un importateur néerlandais, l'ail espagnol souffre de « problèmes de qualité », ce qui pousse de nombreux distributeurs à se tourner vers des sources plus régulières. « Ce manque est actuellement compensé principalement par la Chine », indique-t-il. L'Argentine, quant à elle, dispose cette année d'une récolte très qualitative, bien calibrée et abondante, ce qui devrait influencer les niveaux de prix et les volumes importés. Il note enfin que la France, l'Italie et l'Espagne cherchent autant que possible à éviter les produits chinois.
Allemagne : légère hausse des prix et stabilité de l'offre
Les prix de l'ail pelé, principalement importé de Chine, ont connu ces dernières semaines une hausse modérée. L'offre demeure toutefois bonne et stable. Une augmentation progressive de la demande est attendue à l'approche des fêtes de fin d'année.
La récolte nationale s'est révélée plutôt moyenne cette saison. Bien qu'aucun chiffre précis ne soit disponible, les volumes issus de la production allemande semblent augmenter, un nombre croissant de producteurs se tournant vers la culture de l'ail, selon FreshPlaza.de.
Amérique du Nord : offre équilibrée, mais marges réduites par les droits de douane
L'offre d'ail en Amérique du Nord répond actuellement à la demande du marché. Les récoltes californiennes et chinoises ont été abondantes cette année, compensant les saisons plus difficiles au Mexique et en Espagne. La demande est toutefois inférieure à celle observée à la même période l'an dernier.
L'Argentine sera le prochain fournisseur de l'hémisphère sud à entrer sur le marché. La récolte est en cours, et les premiers retours font état d'une meilleure qualité et de rendements supérieurs à ceux de l'an passé. Les premiers arrivages d'ail argentin sont attendus aux États-Unis en décembre.
Les prix restent proches de ceux de l'année précédente, mais les marges se resserrent en raison des droits de douane appliqués sur l'ail importé, qui varient entre 10 % et 50 % selon l'origine. Cette politique tarifaire a également entraîné des réacheminements via des pays importateurs nets d'ail, complexifiant davantage le marché. La demande liée aux fêtes de fin d'année devrait toutefois soutenir les ventes jusqu'en décembre.
Afrique du Sud : surabondance d'ail et pression accrue sur les prix
Les marchés sud-africains sont actuellement saturés d'ail, qu'il soit importé ou produit localement, avec un prix moyen de 43,50 rands (environ 2,50 euros). Selon un producteur, cette abondance ralentit le rythme des ventes. Les producteurs du Nord terminent leur saison, tandis que ceux du Sud s'apprêtent à mettre leur production sur le marché.
En octobre, les marchés municipaux ont reçu nettement plus d'ail qu'au cours des quatre années précédentes, bien que les volumes de novembre restent inférieurs à ceux enregistrés en 2024 et 2023 depuis le début de l'année.
Des rumeurs persistantes évoquent la contrebande d'ail destinée à contourner le droit antidumping de 19,25 rands (un peu moins d'un euro) par kilogramme sur l'ail frais importé de Chine. Un producteur indique que cet ail, même vendu en dehors du marché municipal de Durban, est proposé à des prix auxquels ni les producteurs locaux ni les importateurs officiels ne peuvent rivaliser.
L'introduction d'un nouveau matériel génétique, exempt de virus et capable de produire de grosses gousses dans des régions où l'on cultive également des oignons bruns, pourrait améliorer la compétitivité de l'ail sud-africain.
Égypte : exportations en hausse, mais persistance des inquiétudes sur les semences et la météo
L'industrie égyptienne de l'ail poursuit sa croissance, portée par une demande massive internationale qui attire de nouveaux producteurs et stimule une nette progression des superficies plantées ainsi que des volumes attendus pour la prochaine campagne. Traditionnellement, la surface consacrée à l'ail en Égypte évolue selon un cycle alternant années fastes et années plus modestes, mais les dernières saisons témoignent d'un dynamisme continu.
Selon un exportateur, « la superficie a augmenté bien davantage cette année que l'année dernière. Ce phénomène s'explique principalement par l'excellente campagne enregistrée par l'Égypte l'an passé, conséquence de plusieurs facteurs liés aux origines concurrentes. » L'Espagne, premier producteur européen et troisième producteur mondial après la Chine et l'Argentine, a ainsi accru ses importations d'ail égyptien de 500 % en 2025, reflétant l'impact de rendements plus faibles, de coûts en hausse et d'une main-d'œuvre limitée dans certains pays rivaux.
Cette expansion fulgurante s'accompagne toutefois de défis pour la prochaine saison, notamment en matière d'approvisionnement en semences et de conditions climatiques. Un producteur souligne que « même si les volumes de production devraient augmenter de manière significative, il reste à déterminer quels volumes seront réellement exportables. Plusieurs paramètres entrent en jeu, comme le développement des semences alors que les températures demeurent élevées en Égypte, ce qui n'est pas favorable à la qualité de l'ail. » Il ajoute que les évolutions récentes contribueront à positionner davantage l'Égypte parmi les principaux producteurs mondiaux.
La saison de l'ail frais débute généralement en janvier, tandis que le séchage de l'ail sec et semi-sec commence en mars.
Chine : début de la saison d'exportation principale avec des commandes régulières et une volatilité limitée
La Chine est actuellement en pleine période de pointe des exportations d'ail pour Noël, avec un marché globalement stable. Ces dernières semaines, les commandes à l'export ont été régulières et les prix se maintiennent à des niveaux fermes. La demande semble toutefois légèrement inférieure à celle observée lors des deux campagnes précédentes, ce qui se traduit par une activité plus modérée, mais toujours fluide pour les exportateurs comme pour les acheteurs.
La qualité de l'ail de cette saison est jugée extrêmement bonne, avec des bulbes propres et fermes. Une récolte abondante et des coûts logistiques inférieurs à ceux de l'an dernier contribuent à maintenir des prix à l'export relativement bas et à renforcer la compétitivité chinoise. Les prix actuels sont inférieurs de plusieurs centaines de yuans par tonne à ceux de la même période de l'an passé. Depuis deux ans, les niveaux de prix évoluent dans une fourchette plus étroite et plus prévisible, loin des fortes fluctuations constatées auparavant, ce qui favorise un cadre commercial plus stable.
Malgré cette compétitivité, le volume total des exportations a diminué par rapport aux deux dernières saisons, en partie en raison de la contraction des achats du secteur international de la restauration.
Une courte phase spéculative est survenue en octobre : de denses pluies ont touché certaines zones de production pendant la période critique de plantation, entraînant une anticipation de pertes potentielles et une tentative de hausse des prix. Cette flambée a été de courte durée : à la fin du mois, l'amélioration des conditions climatiques et la progression normale des plantations ont mis fin à la spéculation et ramené les prix à des niveaux stables.
La structure de la demande a également évolué : les exportations vers l'Afrique, historiquement un débouché majeur, ont fortement reculé cette année, tandis que plusieurs marchés européens ont enregistré une croissance d'environ 10 % d'une année sur l'autre, compensant partiellement ces pertes.
Pour les semaines à venir, la fin tardive de la saison des pluies et les précipitations abondantes ont retardé la phase principale de plantation. À mesure que celle-ci s'achève, la disponibilité de la main-d'œuvre pour la transformation devrait augmenter, ce qui pourrait légèrement réduire les coûts et exercer une pression modérée à la baisse sur les prix. Toute baisse devrait rester limitée, et les perspectives globales demeurent stables pour le reste de la saison.
Pérou : les importations meilleur marché accentuent la pression sur les prix
La campagne péruvienne gagne en volume, mais les prix poursuivent leur repli sous la pression de l'ail chinois, proposé à environ 10 € la boîte (11 USD). À titre de comparaison, l'ail péruvien se négocie actuellement autour de 26 € la boîte (28 USD). Les récoltes plus importantes en Argentine et au Chili renforcent la saturation régionale, ce qui accentue la pression baissière sur les prix.
Plus de 85 % des exportations d'ail du Pérou sont destinées au marché mexicain, où la contrebande d'ail chinois continue d'affecter la formation des prix. Bien que la logistique demeure favorable, le marché reste instable et la tendance générale est orientée à la baisse.
Brésil : les stocks de report et la faiblesse de la demande pèsent sur les prix
Le marché brésilien de l'ail reste morose, en raison de stocks de report importants, d'une hausse de la production nationale et d'un afflux continu d'ail chinois. La suppression des mesures antidumping permet désormais des importations à environ 15,40–15,50 € la boîte (16,90–17 $), pour un coût final avoisinant 22,80 € (25 $). Cette situation exerce une pression à la baisse sur les prix, toutes origines confondues.
Les coûts de production locaux s'élèvent à près de 120 reais, soit environ 20 €, ce qui laisse aux producteurs une marge extrêmement réduite. Les acheteurs internationaux anticipent par ailleurs de nouvelles baisses de prix, accentuant encore l'incertitude du marché.
Argentine : les prix régionaux plafonnés par la concurrence chinoise et brésilienne à bas prix
La production argentine d'ail progresse, estimée en hausse de 20 à 25 %, mais elle arrive sur un marché fortement concurrencé par l'ail chinois à bas prix, autour de 10 € la boîte (11 $), et par le plafond de prix brésilien, situé autour de 15,50 € (17 $). Le prix de référence régional pour l'Argentine se situe autour de 21 € (23 $), mais l'arrivée massive d'ail asiatique freine toute possibilité de redressement.
Le recul de la compétitivité du Brésil pousse une partie des volumes argentins vers le Mexique, un marché déjà saturé, ce qui maintient des conditions de prix défavorables.
Chili : une production élevée, mais sous forte pression
Les rendements chiliens d'ail sont élevés cette saison, mais les ventes restent bridées par les conditions difficiles du marché mondial. L'ail chinois se négocie autour de 10 € la boîte (11 $) sur les marchés internationaux, bien en dessous des prix chiliens, qui avoisinent en moyenne 20 € (22 $).
La diminution de la compétitivité au Brésil, où le prix de référence se situe autour de 15,50 € la boîte (17 $), incite les exportateurs chiliens à réorienter leurs volumes vers le Mexique et d'autres destinations déjà saturées. La surabondance d'offre et la baisse des prix mondiaux continuent de compliquer les perspectives d'exportation du pays.
Mexique : volumes importants, volatilité des prix et achats prudents
Le Mexique reçoit de larges volumes d'ail du Pérou, d'Argentine et du Chili, mais les prix sont fortement influencés par l'ail chinois de contrebande, qui entre à moins de 10 € la boîte (11 $). L'abondance de l'offre régionale, combinée à la pression du prix de référence brésilien autour de 15,50 € (17 $), incite les acheteurs à adopter une attitude prudente. Le marché évolue ainsi dans un contexte de prix bas, de concurrence intense et de forte volatilité.
Semaine prochaine : la poire