Les dix plus gros opérateurs de la filière oignons se sont récemment réunis pour établir, en prolongement de la note de conjoncture du mois d’août dernier, une synthèse de la récolte 2021 d’oignons jaunes et rouges. Bien que quelques inquiétudes persistent, le bilan est finalement plus positif que ce qui avait été annoncé en début de campagne.
Une année déficitaire en volumes et en calibres
Selon les régions, les récoltes d’oignons se sont terminées entre la mi-septembre et le début octobre en fonction des aléas climatiques de fin septembre et de la maturité des alliums.
Pour l’oignon jaune, cette nouvelle campagne serait déficitaire de 12 % à 20 % en volume en comparaison avec une année normale. Cette baisse de volume n’est pas liée à une diminution des surfaces de production mais à l’obtention de bulbes de faibles calibres et de mauvaise qualité sanitaire pour certains lots.
Cette année, la très grande majorité des volumes est de calibre médiant (50/70 mm) voir petit (40/50mm). Les mauvaises conditions météorologiques du début de l’été n’ont pas favorisé leur cycle végétatif par manque d’ensoleillement et ont, de plus, engendré des attaques de mildiou même pour les variétés reconnues pour leur résistance. Les gros calibres voir très gros calibres qui étaient courants l’an passé, hormis dans le nord, seront rares pour les mois à venir. Ce qui amènera quelques complications pour pouvoir honorer certains marchés comme l’industrie ou l’épluchage.
Même si globalement, les lots d’oignons jaunes sont de bonne qualité sanitaire grâce aux conditions climatiques plus sèches et chaudes de la deuxième partie de l’été, des interrogations subsistent quant à la mauvaise évolution de certains lots en stockage. En effet, quelques-uns d’entre eux présentent de la bactériose ou de la fusariose mais sans toutefois atteindre les proportions de ce début de campagne de commercialisation.
Les premières estimations en oignons rouges révèlent aussi, un manque de volume pour les mêmes raisons que l’oignon jaune. Un déficit de calibre est également constaté avec une majorité de 40/60 mm et très peu de 60/80 mm. La conséquence de cet état sera probablement une réduction de la période de commercialisation au bénéfice des produits d’importation. Pour éviter cette perspective, les dix opérateurs incitent les Grandes et Moyennes Surfaces à ajuster leur cahier des charges en produits conditionnés afin d’autoriser le référencement de tubes ou manchons de 5 bulbes 500 g en complément des tubes ou manchons de 4 bulbes 500 g.
Des niveaux d’exigence excessifs
Malgré toutes leurs implications dans les étapes de triage, de calibrage et de contrôle au niveau de leurs stations de conditionnement et d’expédition, les opérateurs de la filière soulignent des excès d’appréciation dans certains résultats d’agréage qui paraissent infondés avec des niveaux d’exigences et d’indicateurs bien supérieurs aux règles de la normalisation CEE ONU.
Depuis quelques semaines, dans le cadre des contrats « date à réception », certains acteurs de la distribution ont décidé de réduire les délais des datés codés alors qu’ils étaient initialement compris entre 8 et 15 jours, ceux pour optimiser la fraîcheur des alliums. Pour rappel, la production de condiments est issue d’une récolte unique et annuelle, et qu’un contrat « daté » n’a pas systématiquement un impact sur la qualité des produits et sa conservation.
La loi AGEC acte la réduction des plastiques avec le passage possible sur des emballages issus de cellulose de bois ou de papier ou de carton, induisant des effets de coûts supplémentaires très significatifs et inquiétants.
De plus, il est annoncé par les fabricants et distributeurs d’emballages biosourcés des pénuries probables de matières premières dans un proche avenir au risque de créer des ruptures d’approvisionnement et générer des augmentations tarifaires supplémentaires. Avec l’accentuation des coûts d’énergie (gaz, électricité) et de main-d’œuvre, les équilibres économiques des opérateurs de la filière vont être sérieusement impactés, si les différents acteurs de l’aval ne prennent pas en considération ce contexte extrêmement défavorable.
Démarches agroécologiques : vraiment durables ?
Au regard de la forte implication des opérateurs de la filière, producteurs compris, dans les différentes démarches de certifications au bénéfice de la transition agroécologique (Zéro Résidus de Pesticide, Sans Résidu Détecté, Bio, Cultivé Sans Pesticide, Haute Valeur Environnementale etc.), il paraît nécessaire de rappeler les surcoûts et les risques que cette nouvelle dynamique de progrès environnemental génère. Ainsi, après plus de 3 années de conditions climatiques favorables à la préservation sanitaire des plantes, cette dernière campagne de production plus humide et moins chaude a remis en cause un certain nombre de principes agronomiques qui paraissaient acquis et maîtrisés ; la nature a repris ses droits. Cette conjonction de faits a généré des déclassements de lots et impacté les rendements en comparaison avec des modes de production plus conventionnels. En conséquence, la perspective de commercialisation est en diminution de 10 % à 30 % d’une production normale.
Les opérateurs rappellent aussi, qu’au-delà de ces aspects culturaux, cette segmentation de l’offre à caractère environnemental engendre au titre de la Supply Chain des coûts de gestion en culture, des fractionnements dans les stockages et des budgets d’analyses hautement significatifs pour les obligations de résultats et de conformités phytosanitaires libératoires. Cette situation interpelle les producteurs, en pleine réflexion sur l’intérêt de s’engager dans la démarche à l’avenir.
Conclusion
La filière oignon est donc à la croisée d’un certain nombre d’éléments perturbateurs susceptibles de la fragiliser dans le temps. Elle doit donc faire l’objet d’une vigilance accrue. Si aujourd’hui le marché de l’oignon est stable avec des prix qui se maintiennent, une évolution en deuxième partie de campagne est attendue en février/mars avec des prix qui pourraient rebondir au regard du marché européen et mondial.
En conclusion, les dix principaux opérateurs de la filière « Oignons » rappellent aux acteurs de l’aval la nécessité d’avancer conjointement vers une relation commerciale équilibrée, pragmatique et dynamique pour mieux appréhender les impacts techniques et économiques de la transition agroécologique avant qu’une filière « Made in France » n’ait plus les moyens d’être cuisinée aux P’tits Oignons !