Après avoir été adoptée au Sénat le 2 juillet dernier, la très controversée proposition de loi portée par les sénateurs Laurent Duplomb et Franck Menonville appelée 'PPL contraintes' (visant à lever les contraintes à l'exercice du métier d'agriculteur) a été définitivement adoptée ce hier à l'Assemblée nationale (316 voix pour et 223 voix contre).
✅ Adoption de la proposition de loi visant à lever les contraintes à l'exercice du métier d'agriculteur, dite "Duplomb", compte tenu du texte de la commission mixte paritaire.
— Assemblée nationale (@AssembleeNat) July 8, 2025
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Sur X (Twitter) la Ministre de l'Agriculture, Annie Genevard, s'est félicitée de l'adoption du texte.
✅ Promesse tenue : la PPL « Entraves » est adoptée !
— Annie Genevard (@AnnieGenevard) July 8, 2025
Après des mois de travail, d'échanges, de compromis, c'est un tournant dans la vie de nos agriculteurs et un grand pas pour la reconquête de notre souveraineté alimentaire.
C'est le chapitre des doutes qui se referme, celui… pic.twitter.com/NIy5BNo8H0
Aux députés la ministre a déclaré : « Il ne s'agit pas simplement de voter une loi, il s'agit de refermer un chapitre, celui des doutes et d'ouvrir un chemin, celui de la reconquête. En l'adoptant vous affirmerez une chose simple, que la souveraineté alimentaire ne se décrète pas mais qu'elle se bâtit et que la république, lorsqu'il s'agit de ses paysans, sait tenir parole ».
Vive opposition de la gauche et des écologistes
Le texte, qui prévoit notamment la réintroduction à titre dérogatoire de l'acétamipride (insecticide de la famille des néonicotinoïdes) a fait l'objet d'une forte opposition de la part des députés de gauche et des écologistes. La députée socialiste Mélanie Thomin a dénoncé « recul majeur ». La présidente LFI de la commission des Affaires économiques de l'Assemblée, Aurélie Trouvé quant à elle, parle d'une légalisation de « pesticides mortifères » et d'une loi qui « organise la privatisation des ressources en eau, exonère de toutes les garanties écologiques ordinaires » et dénonce « un traité de soumission à l'agrochimie ».
En mai dernier plus de 1 000 chercheurs, médecins, soignants, publiaient une lettre ouverte aux ministres de la Santé, de l'Agriculture, du Travail et de l'Environnement (les quatre ministères de tutelle de l'Anses) pour dénoncer la proposition de loi, laquelle prévoit notamment la réintroduction de l'acétamipride. De nombreuses associations et ONG de défense de l'environnement et de la santé se sont également élevés contre le texte.
« La voie vers l'harmonisation européenne des conditions de production s'ouvre » pour l'ANPP
Sur LinkedIn l'ANPP a saluer l'adoption de la proposition de loi visant à lever les contraintes à l'exercice du métier d'agriculteur. « Ce vote nous rassure car il ouvre des solutions à court terme pour faire face à des attaques de ravageurs impossibles à maîtriser. Il ouvre également des perspectives à moyen terme sur la mobilisation de la ressource en eau sans laquelle nos vergers ne pourront s'adapter au changement climatique ».
« Un texte d'équilibre pour retrouver notre compétitivité agricole » selon le Collectif Sauvons les Fruits et Légumes de France
Dans un communiqué, le Collectif « remercie tous les parlementaires qui ont su résister aux campagnes de désinformation et aux pressions militantes pour voter en conscience, au service de l'intérêt général et de nos agriculteurs » ; et salue un vote qu'il qualifie de courageux « face aux fake news ». « Durant ces dernières semaines, les parlementaires ont été soumis à une pression militante d'une rare intensité. Campagnes de désinformation orchestrées par certaines ONG, fake news relayées massivement sur les réseaux sociaux, accusations mensongères : tout a été tenté pour faire échouer ce texte d'équilibre ».
« Ce vote traduit une réponse attendue à la détresse exprimée depuis de longs mois par le monde agricole » selon les JA et la FNSEA
Jeunes Agriculteurs et la FNSEA de leur côté saluent les députés « qui ont fait le choix courageux de redonner aux agriculteurs français les moyens de produire et de faire face à une concurrence étrangère souvent déloyale ainsi que l'engagement de la ministre de l'Agriculture et de la Souveraineté alimentaire en faveur de ce texte. Ce vote traduit une prise de conscience et une réponse attendue à la détresse exprimée depuis de longs mois par le monde agricole. C'est un signal fort envoyé à celles et ceux qui, chaque jour, produisent pour nous nous nourrir ».
Pour le président de la FNSEA, Arnaud Rousseau, « L'adoption de la proposition de loi marque l'aboutissement de plus de 18 mois de mobilisation ininterrompue de nos réseaux Jeunes Agriculteurs et FNSEA. Aujourd'hui, l'ambition de souveraineté alimentaire sort enfin du discours pour entrer dans le droit. Les parlementaires ont pris leurs responsabilités. En votant ce texte, ils ont respecté les engagements pris et reconnu, par leur geste, l'urgence absolue de redonner à notre agriculture les moyens de se relever, de produire, et de durer. Ce vote n'efface pas les difficultés, mais il trace une perspective. »
« La droite et l'extrême droite sacrifient le monde paysan au profit de l'agro-industrie », réagit la Confédération paysanne
Dans un communiqué, la Confédération paysanne dénonce un texte qui « entérine des régressions agricoles, sanitaires et écologiques d'une très grande gravité, taillées sur mesure pour l'agro-industrie et portées par les dirigeants de la FNSEA, déconnectés de leur base.
Favoriser l'agrandissement des exploitations destinées à la production animale industrielle, l'accaparement de l'eau par la construction de méga-bassines et réintroduire l'acétamipride sont une fuite en avant mortifère et de très court-terme. Les enjeux sont tout autre : garantir un revenu paysan par la mise en place de prix minimums garantis et l'installation de fermes partout sur le territoire. »
Le porte-parole du syndicat agricole Thomas Gibert a déclaré sur le plateau de l'émission 'Ça vous regarde' sur la chaîne LCP-Assemblée Nationale « Cette proposition de loi ne répond en rien à notre revendication principale qui est de vivre dignement de notre métier pour l'ensemble des paysans et des paysannes. Elle ne va profiter qu'à une petite poignée d'agriculteurs, toujours les mêmes, qui sont poussés par les dirigeants de la FNSEA, qui comme à chaque fois ne défendent que leurs intérêts. [...] Là on est vraiment sur une proposition de loi qui pousse à l'avènement d'un nouveau modèle agricole dont personne ne veut, un modèle d'agriculture de firme, sans paysans, tenus par quelques financiers à la tête d'immenses fermes de plusieurs centaines voire milliers d'hectares qui s'accaparent tout, le foncier, la ressource en eau, et tout ça au détriment des paysans, de leur santé ».
« Un texte taillé pour (et par) lʼagro-industrie », selon Terre de liens
Le mouvement Terre de liens qui œuvre à la préservation des terres agricoles dénonce « un texte destructeur pour l'agriculture » et dit condamner « fermement l'adoption de ce texte, en appelant à maintenir la pression notamment par un recours au Conseil constitutionnel. Nous souhaitons réaffirmer notre soutien aux paysan·nes et citoyen·nes engagé·es pour une agriculture vivante et durable ». En juin, après le passage du texte en commission mixte paritaire, Terre de liens dénonçait un texte 'taillé pour (et par) lʼagro-industrie'
« Ni les 267 168 interpellations citoyennes ni les alertes des 1 200 médecins et scientifiques n'auront su enrayer la mécanique d'une loi écrite d'avance par les élites du syndicat majoritaire et l'agro-industrie », écrit l'association dans un communiqué.
« Plutôt que d'en tirer les conséquences, les députés ont acté une fuite en avant. Ce texte renforce les inégalités, encourage l'agrandissement des fermes, et aggrave la précarité d'une majorité d'agriculteurs et d'agricultrices », indique Astrid Bouchedor Responsable plaidoyer de Terre de Liens.