Hier avait lieu à Paris le traditionnel lancement de campagne Pomme Poire organisée par l'ANPP. Pour la pomme française, la campagne s'annonce prometteuse particulièrement au regard de la situation européenne. Concernant la poire, la priorité est désormais à la diversification variétale et au développement du verger. Producteurs, grossistes et distributeurs ont également échangé sur la question de la priorisation de l'origine France, 'indispensable' pour la réussite de cette nouvelle campagne.
Pommes : un marché dégagé et des opportunités à l'export
En pomme, la prévision nationale atteint 1,485 million de tonnes, soit une progression de +4 % par rapport à 2024 et de +3 % par rapport à la moyenne quinquennale. Une production « légèrement supérieure à la moyenne sans être pléthorique », précise Vincent Guérin, en charge des affaires économiques à l'ANPP, précisant que les prévisions sont susceptibles d'évoluer du fait de la pression du puceron cendré, très forte cette année. Dans le détail, Golden se situe au-dessus de la moyenne mais en léger retrait par rapport à l'an passé ; Gala retrouve un niveau normal, tout comme la Granny Smith après un creux l'an dernier. Les variétés internationales, elles, sont stables (-1 %). Les variétés Club* (Jazz, Pink Lady, etc.) poursuivent leur progression (+2 % à 300 000 t) grâce aux nouveaux vergers. Enfin, les variétés dites de terroir affichent des résultats contrastés : Belchard® Chantecler est conforme à la moyenne, meilleure récolte qu'en 2024, tandis que la Canada reste plus faible.
*récolte brute et non récolte sous cahier des charges
Une récolte donc quantitative grâce à l'absence d'évènements climatiques (gel et sécheresse) mais surtout « plus qualitative que la campagne passée eu égard au taux de sucre supérieur cette année », précise Christophe Belloc, Président de Blue Whale. « L'offre sera donc cette année suffisante pour couvrir les marchés avec une qualité qui laisse espérer que le consommateur trouvera un intérêt particulier à consommer et surtout à revenir ».
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Au 1er juillet, les stocks européens étaient de 340 000 t, soit 90 000 t de moins que la précédente campagne. Le marché se trouve désormais dégagé, même si la France affichait des stocks légèrement supérieurs à l'an passé en début d'été. Parallèlement, les arrivages de pommes d'hémisphère Sud s'élevaient fin semaine 34 à 146 700 t, un niveau supérieur aux deux dernières campagnes, dominés par le Chili, l'Afrique du Sud et la Nouvelle-Zélande.
De quoi créer des opportunités pour la pomme française, d'autant que la récolte européenne reste petite pour la deuxième année consécutive : 10,455 millions de tonnes, équivalente à 2024. La Pologne progresse légèrement mais reste loin de son potentiel ; plusieurs pays d'Europe centrale (Hongrie, Roumanie, Croatie, Slovaquie) accusent un fort déficit en raison du gel. L'Italie enregistre une légère baisse mais conforme à sa moyenne, l'Allemagne retrouve un niveau normal après une faible récolte, et l'Espagne accuse un recul mais reste alignée sur sa moyenne. La Turquie également avec une production fortement amputée suite aux gelées de printemps. La filière espère donc poursuivre la dynamique export observée l'an dernier. Car après le creux historique de 2022-2023, la pomme française a mieux performé en 2024-2025 avec +10 000 T. Le marché européen reste le premier débouché de la pomme tricolore, l'Extrême-Orient progresse depuis deux ans. Le Moyen-Orient et l'Amérique en revanche restent à la peine. Toutefois, des opportunités se présentent avec l'ouverture du Mexique qui devrait diversifier ses approvisionnements essentiellement américains jusqu'à présent pour contrebalancer l'augmentation des droits de douanes américains.
« Nous avons la capacité de servir la demande du marché français donc l'origine France doit être privilégiée pour que la campagne soit réussie », insiste Christophe Belloc, appelant l'aval à mettre en valeur les pommes françaises. Si les distributeurs présents ont tous reconduit leur engagement en faveur de l'origine France, Lidl France, après le départ de Michel Biero, a prévenu que le rayon serait géré différemment mais que l'enseigne serait présente pour le produit français. « Nous avons été repris en main par la maison mère donc effectivement aujourd'hui nous avons une vision plus floue mais nous n'abandonnerons pas le produit français. Nous le ferons différemment c'est-à-dire avec un peu moins de mise en avant et un peu plus de rentabilité sur le rayon ».
Sur le segment bio, la production est attendue en légère hausse sur un an (L'Italie est en baisse et l'Allemagne remonte). Après avoir observé une baisse des quantités achetées et des sommes dépensées le marché semblerait se stabiliser sur les 3 circuits de distribution avec un léger « frémissement » sur la consommation en 2025, notamment grâce à la distribution spécialisée. On observe toutefois une érosion sur les prix d'achat en départ station, de plus en plus proches du conventionnel quand les prix de vente consommateurs restent 40% plus élevés.
Poire : un calendrier variétal cohérent avec l'origine France
Pour la campagne 2025-2026 l'ANPP annonce une prévision de 140 000 tonnes de poires, un niveau « satisfaisant », supérieur à la moyenne et légèrement en hausse par rapport à l'an dernier. Après une forte récolte en poires d'été en 2024 (et notamment sur la Guyot), 2025 inverse la tendance avec -5 % sur le segment été et une plus forte récolte en poire d'automne et d'hiver notamment avec la Conférence. À l'échelle européenne, la récolte est estimée à 1,786 million de tonnes, en hausse de 1 %. Mais la situation diffère selon les pays : l'Italie chute de 25 % (fort recul sur l'Abate), le Portugal reste loin de son potentiel, tandis que les Pays-Bas (+8 %) et la Belgique se redressent après un creux en 2024 et comme pour la France, la récolte de poires d'été est en baisse (-14 %).
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La production française, elle, reste marquée par une baisse régulière des rendements en raison des aléas climatiques et des difficultés techniques, mais près de 500 ha ont été plantés ces sept dernières années. C'est donc pour accompagner la diversification variétale et le développement du verger que l'ANPP travaille sur un partenariat avec l'aval. Un partenariat qui permettra également de dynamiser le rayon poire et qui prendra la forme d'un calendrier variétal « cohérent » avec l'origine France, « Une offre que nous sommes en capacité de servir jusqu'à fin janvier. L'objectif ici étant d'essayer de bâtir avec les distributeurs, des opérations promotionnelles cohérentes avec le calendrier de production et améliorer l'identification origine France et du label Verger écoresponsable », explique Vincent Guérin. En pratique il s'agira d'assurer une présence régulière en rayon de 2 variétés classiques combinées à 2 autres variétés disponibles pour assurer une diversité au consommateur et ainsi renforcer la dynamique de consommation.
Et pour assurer une bonne fluidité de campagne un calendrier du rythme promotionnel est également en développement. « Il faut faire coïncider les promotions avec les pics de production. Ça ne sert à rien que tout le monde se précipite en septembre pour qu'il n'y ait plus rien en décembre puisque la production française ne couvre pas l'ensemble des besoins », souligne Bertrand Gassier, producteur et président de Château de Nages Fruits pour lequel la diversité variétale française est un réel atout. « La poire est le 6e fruit consommé en France, donc c'est un joli terrain de jeu pour s'exprimer et se différencier commercialement. D'autant que la France est le seul pays d'Europe à avoir une vraie diversité variétale contrairement à la monoculture de la Conférence au Benelux ou de la Rocha au Portugal ». Il a également appelé les distributeurs à prioriser l'origine France. « Nous avons au moins deux millions de consommateurs qui refusent l'Acétamipride [NDLR : la pétition « Non à la loi Duplomb » déposée sur le site de l'Assemblée Nationale début juillet avait recueilli plus de 2 millions de signatures] et nous sommes le seul pays d'Europe à ne pas l'utiliser donc mesdames et messieurs les commerçants, donnez-nous l'exclusivité sur nos poires françaises tant qu'elles sont disponibles ».
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