La saison de l'endive de pleine terre bat son plein en Belgique. Alors que chaque année, le débat revient sur le fait que les producteurs vieillissent et sont de moins en moins nombreux, Tom Van Bael, 39 ans, fait exception à la règle. Ce passionné de chicon bruxellois a grandi les mains dans la terre. Avec l'apparition de l'endive hydroponique, son père a décidé d'arrêter la culture traditionnelle dans les années 1990, mais il y a six ans, Van Bael l'a reprise. Malgré tous les défis, il est heureux d'avoir franchi le pas. « Ce métier coule dans mes veines, alors je n'avais pas d'autre choix que de reprendre. »
© Grondwitloof Van Bael
« Malgré le fait que ce soit récent, j'ai l'impression de n'avoir jamais vraiment connu autre chose ! Le chicon bruxellois est dans notre famille depuis plus de cent ans. C'est mon arrière-grand-père qui a commencé, puis mon grand-père a pris la relève. Il a eu trois enfants : mon père et deux oncles. Les deux fils aînés, dont mon père, travaillaient avec mon grand-père sur l'exploitation, où ils combinaient l'élevage et la culture de l'endive. Les années 1990 ont toutefois vu l'essor de la culture hydroponique dans la région de Kampenhout. De nombreux producteurs y sont alors passés. Les supermarchés et les ventes aux enchères ne faisant pas la différence entre les deux, le prix s'est effondré. Avec trois familles, ils ne pouvaient plus en vivre, ce qui a poussé mon père à arrêter. Mais mon grand-père et mon oncle ont décidé de continuer. »
« Mon père est ensuite devenu instructeur de conduite pour poids lourds par nécessité, mais son cœur est toujours resté au champ. Aujourd'hui, nous continuons à cultiver en plein air, sous des tôles ondulées, comme nous le faisions il y a cent ans et par souci de qualité. Nous avons construit un nouveau hangar, avec beaucoup de béton. On pourrait y apporter une couche de terre, mais un hangar ce n'est pas le nature : il ne pleut pas, il ne gèle pas, ça ne vit pas, ça ne respire pas. Dehors, c'est différent. Pour nous, c'est simple : soit on cultive le chicon de pleine terre bruxellois, soit on arrête tout. »
Lorsque Van Baet a décidé de reprendre le flambeau il y a six ans, l'enthousiasme a été immédiat dans la famille. « Enfant, j'aidais à nettoyer les chicons et à travailler dans les champs. Mes parents m'obligeaient à désherber, mais pas à éclaircir les plantes, car je risquais alors d'arracher les mauvaises. Il y a six ans, je me suis assis à la table de la cuisine de mes parents et j'ai dit que je voulais commencer ma propre culture. Mes grands-parents avaient alors quelques racines qui traînaient, une petite couche de 5 à 10 plants. Je me suis dit : nous avons l'espace, pourquoi pas ? C'est ainsi que nous avons commencé, avec une brouette et une pelle. »
© Grondwitloof Van Bael
Des partenaires commerciaux fiables
Malgré tout, il y a eu des défis à relever. « C'est un travail difficile et ce n'est pas toujours facile financièrement. Jusqu'au Nouvel An, les prix sont généralement bons, mais après, ils chutent alors que les coûts continuent : culture, protection des cultures, loyer.... Lorsque les racines coûtent plus cher que les chicons au kilo, on sait qu'il faut agir. Heureusement, nous vendons beaucoup à domicile. Au début, c'était difficile. Les consommateurs ne nous connaissaient pas et ne savaient. Mais aujourd'hui, ils viennent de loin. »
« Pendant des années, nous avons également approvisionné un grossiste qui emballait pour Delhaize et Carrefour. Nous l'avons fait pendant cinq ou six ans, mais les prix fluctuaient trop. Nos endives passaient par les enchères et il était difficile de nous rémunérer fixement. Heureusement, nous avons trouvé un nouveau partenaire de vente fiable avec Fresh Market Cru, qui fait partie de Colruyt. Il y a même un grossiste néerlandais qui veut acheter nos chicons pour les restaurants. Il nous rendra bientôt visite pour un entretien. Bien sûr, il faut que cela reste faisable: nous ne sommes pas en mesure de livrer 300 ou 400 kilos par semaine. Nous livrons déjà 400 à 500 kilos par semaine à Cru, ce qui nous amènerait vers les 1 000 kilos. Cela ressemblerait alors à une production de masse, ce que nous ne voulons pas. »
Il y a chicon et chicon...
Van Baet estime que l'on ne fait pas assez souvent la distinction entre l'endive de Bruxelles et celle du Brabant. « La culture est complètement différente. Le chicon bruxellois pousse dans une butte, avec une récolte sélectionnée. Les têtes sont peut-être moins uniformes et pas toujours parfaites, mais le goût est bien meilleur. C'est difficile à expliquer, mais dès que le consommateur y goûte, il comprend. Nous emballons nous-mêmes nos endives en caisses ou barquettes. Si nous l'envoyons à un grossiste, elle n'est jamais étiquetée en tant que chicon bruxellois mais souvent comme endive du Brabant. La seule façon de conserver l'appellation véridique est de conditionner nous-mêmes. Les colis que nous livrons à Cru portent un autocollant explicite. »
© Grondwitloof Van Bael
Van Baet cultive ce produit du terroir sur environ 3 hectares. « Actuellement, nous exploitons trois hectares de racines, ce qui permet de produire 40 à 50 couches d'endives. L'hiver, nous travaillons beaucoup à retourner les chicons dans le sol. Une couche de 8 x 2 m signifie trois mètres cubes de terre qu'il faut déplacer à chaque fois. Ce travail est beaucoup moins important chez les producteurs brabançons. »
Une endive plus douce
La saison actuelle battant son plein, Van Baet est très occupé, mais satisfait. « Cette saison s'annonce bien pour nous. Les racines ont bénéficié de beaucoup de soleil cet été, ce qui signifie qu'elles contiennent beaucoup de sucres. C'est également le cas de la betterave sucrière, dont la teneur en sucre a été exceptionnellement élevée cette année. Je pense même que nos chicons auront un goût un peu plus sucré cette saison que les autres années, avec très peu d'amertume. »
« La demande reste élevée. Nous n'avons jamais eu de problèmes à ce sujet. Au contraire, elle est de plus en plus forte, notamment parce que les producteurs abandonnent chaque année. La saison dernière, j'ai repris les ventes à domicile d'un collègue à quelques kilomètres. Ses clients viennent maintenant chez nous : des consommateurs qui veulent simplement être sûrs d'obtenir des chicons savoureux. S'ils passent une ou deux fois et qu'il n'y a rien, il est évident qu'ils ne reviendront plus. C'est pourquoi nous essayons toujours d'avoir un stock suffisant. »
© Grondwitloof Van Bael
Promouvoir l'endive de pleine terre
Malgré la demande soutenue, la promotion mise en place par les instances gouvernementales pourrait être un peu plus efficace. « Je pense qu'il faut davantage promouvoir le chicon bruxellois. Il existe des initiatives, comme la Semaine de l'Endive en février, mais elles sont souvent trop générales. J'aimerais qu'on mette l'accent sur la culture saisonnière et traditionnelle de notre chicon. Les consommateurs devraient réapprendre à manger en fonction de la saison. Il ne devrait pas y avoir d'endive dans les magasins en été, tout comme il n'y a pas d'asperges blanches à ce moment-là. »
« Le chicon bruxellois est parfois vendu 16 à 18 €/kg au supermarché, alors que l'endive hydroponique coûte 3 à 4 €/kg. Je comprends donc que les jeunes familles choisissent l'option la moins chère. Nos ventes à domicile attirent surtout des clients dans la cinquantaine ou la soixantaine, qui apprécient la qualité et peuvent se l'offrir. Ce serait tout de même une bonne chose que la différence de prix se réduise. Nous pratiquons un prix fixe et équitable tout au long de l'année. Lors de la vente aux enchères, on le voit parfois atteindre 9 ou 10 €/kg, mais nous n'augmentons pas notre prix pour autant. Nous voulons rester justes vis-à-vis de nos clients habituels. »
Un jeu qui en vaut la chandelle
Malgré ces défis, Van Baet ne pense pas que la culture du chicon de pleine terre disparaitra dans quelques années. « Nous ne nous arrêterons certainement pas. Nous avons des ventes régulières et des clients fidèles, et tant que la qualité reste bonne, je vois la vie en rose. Bien sûr, il y a du stress. Chaque semaine, il faut livrer des chicons sains et matures aux magasins. De plus, la culture en plein air nous rend plus vulnérables face aux conditions météorologiques. S'il neige ou s'il gèle, nous devons couvrir avec du plastique et chauffer davantage. Tout cela est plus facile dans un hangar évidemment, mais pour moi, ce ne serait alors plus la même culture. C'est un métier difficile, mais qui en vaut la peine. »
Pour plus d'informations :
Tom Van Bael
Grondwitloof Van Bael
Tél. : +32 4 97181297
[email protected]
www.grondwitloofvanbael.be