Lundi la Ministre de l'Agriculture a lancé, depuis le MIN de Rungis, les 'Conférences de la souveraineté alimentaire' destinées à définir une stratégie agricole nationale sur dix ans. Mais pour l'Association Nationale Pommes Poires (ANPP) « ces travaux ne peuvent être engagés ni avoir la moindre portée si certains préalables ne sont pas réunis ».
Pas de projection sans connaître l'offre
« On ne peut pas discuter de souveraineté sans savoir ce que l'on produit », commence Pierre Venteau, directeur de l'ANPP. « Car de manière générale, le potentiel de la production française de pommes reste inconnu et personne ne sait, en tout à cas à échelle nationale, mesurer l'offre ». Les données issues du Recensement Général Agricole (RGA) et celles diffusées annuellement par Agreste diffèrent – le RGA comptabilisant des surfaces peu voire pas productives pouvant fausser le résultat, selon Pierre Venteau. Mais la raison de cet écart tient surtout au mode de comptabilisation « qui s'effectue par un système de sondage au moment de la déclaration PAC dans laquelle la pomme n'est pas clairement identifiée. Et pour le bio c'est pire car il n'y a même pas de différenciation entre les pommes de table et les pomme à jus. Solutions ? Pour l'ANPP la meilleure évaluation reposerait sur une reconnaissance par traitement d'image photo et radar accompagné par IA « pour lequel nous arrivons à avoir un bon niveau de discrimination y compris interspécifique. Mais avec un coût qui atteint les 150 000 euros, il est difficile de la financer ». Autre solution : rendre la précision obligatoire dans la déclaration PAC.
Autoriser le recours à l'ozone
Actuellement interdite dans le processus de conditionnement et de stockage des pommes - les fruits sont actuellement convoyés dans les stations avec de l'eau claire - l'ozone est pourtant utilisé en France depuis 1904 dans la potabilisation de l'eau mais également dans les piscines municipales. Depuis 2019, par un avis de l'ANSES, c'est aussi devenu un auxiliaire technologique autorisé pour les salades en sachet dites de 4ème gamme. Mais surtout la France importe quasi quotidiennement des fruits et légumes traités à l'ozone depuis plusieurs pays européens (ozone dans les containers de banane et de pomelos ou encore par traitement pour les fruits rouges espagnols). Une situation que l'ANPP juge incompréhensible et surtout pénalisante pour la filière d'autant l'ozone « permettrait de lutter contre les maladies de conservation des pommes ».
Autoriser les nouvelles techniques d'application de produits phytosanitaires
La filière pomme poire demande également à ce que soit autorisées les nouvelles techniques d'application de produits phytosanitaires et parmi elles, « deux méthodes prometteuses qui combinent une efficacité accrue pour une même dose appliquée et limitent le risque de dérive. Il s'agit des systèmes PulVéFix et de micro-injection dans l'arbre ». L'association demande donc à pouvoir utiliser ces techniques qui répondent au besoin d'amélioration et d'efficience des techniques de traitement tout en protégeant l'environnement des vergers.
Sécuriser les programmes opérationnels
« Historiquement, le verger français a pu se moderniser grâce à l'efficacité des programmes opérationnels ouverts aux adhérents des organisations de producteurs reconnues. Ce dispositif assure la mobilisation des fonds européens à des niveaux très significatifs grâce aux contreparties apportées par les producteurs eux-mêmes et en fonction de la réalité de leurs besoins et de leurs priorités », explique l'ANPP. Un dispositif qui a permis à la pomiculture d'intégrer plusieurs innovations dont la confusion sexuelle, l'irrigation économe, les filets paragrêle, ou encore la lutte antigel… Mais dans la proposition de la future PAC 2028-2034 proposée par la Commission européenne, ce financement des programmes serait menacé. « Ces programmes ont la particularité de ne pas avoir de plafond, or si on se dirige vers une nationalisation comme le veut la Commission il reviendra aux États Membres d'en financer une partie avec des montants alloués qui seront limités », précise Pierre Venteau qui ne cache pas son inquiétude. « C'est le seul outil structurant dédié à l'organisation économique dont nous disposons actuellement ».
L'ANPP demande donc à l'Etat de s'engager à préserver les moyens dédiés pas seulement le principe des Programmes Opérationnels, mais également le montant annuel afin de conserver le seul levier durable et efficace d'accompagnement à l'investissement en vergers.
Des pommes polonaises, espagnoles et italiennes dans les compotes MDD
Si en frais la Grande Distribution référence majoritairement la pomme française depuis près de 3 ans, pour les compotes sous MDD les distributeurs français seraient beaucoup « moins regardant ». « La consommation de ces produits est en croissance et les MDD représentent 46 % des volumes vendus (source Kantar 2024) pourtant les principales enseignes vont sourcer les pommes destinées à l'industrie en Italie, Espagne et Pologne ». Conséquence directe en ce début de campagne, les stocks français pourrissent en frigo alerte l'ANPP. « Fin octobre nous avions près de 2000 tonnes de pommes qui attendaient d'être transformées et fin de semaine dernière nous en avions quasiment la même quantité », indique Pierre Venteau. « C'est une situation d'autant plus insupportable pour les producteurs que les distributeurs s'expriment souvent publiquement pour dire à quel point ils soutiennent l'offre française ». Pour l'ANPP, les enseignes de la distribution doivent s'engager en amont des négociations annuelles à un approvisionnement 100 % français pour leurs compotes de pommes sous marque distributeurs.
Sur tous ces points, l'ANPP attend donc une réaction de l'État et des distributeurs dans les prochains jours. « Nous ne refusons pas d'y participer mais avant de discuter de quoi que ce soit il faut du concret », conclut le directeur.
Pour plus d'informations :
Association Nationale Pommes Poires
6 rue de Lyon – 75012 Paris
Tél. : +33 (0) 1 53 10 27 80
Fax : +33 (0)1 53 10 27 88
[email protected]
www.lapomme.org