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Collectif Sauvons les Fruits et Légumes de France

La décroissance va-t-elle continuer pour les fruits et légumes ?

Suppression de pesticides, stratégie Farm to Fork, sortie programmée des phytos annoncée par le Président de la République : la décroissance va-t-elle continuer pour les fruits et légumes ?

40 % des usages en arboriculture sont aujourd'hui qualifiés d’orphelins, près de 200 000 tonnes de pêches et nectarines produites en France contre 400 000 tonnes il y a 20 ans, 400 000 tonnes de pommes françaises exportées contre 700 000 tonnes il y a encore quelques années, 60 % d’exploitations arboricoles françaises « détruites » entre 2010 et 2016 et enfin 71 % de fruits consommés en France importés : Face à ces chiffres, le Collectif Sauvons les Fruits et Légumes de France a réuni différents acteurs de terrain (producteurs, représentants de filières, personnalités politiques, presse spécialisée agricole) pour dresser un état des lieux des problématiques clefs au regard de la nouvelle ambition fixée par le gouvernement  : assurer notre souveraineté alimentaire.

La souveraineté alimentaire française est menacée par les décisions politiques et administratives qui mettent en péril la production sur le territoire national. La raison ? Une logique et une politique de symboles mêlées à des considérations de court terme qui se traduisent en pratique par des impasses techniques (maladies fongiques, ravageurs, etc.), des distorsions de concurrence, des hausses des coûts de production.

Les défis sont donc désormais de réussir à maintenir la production sur le territoire national avec une utilisation raisonnée des produits de protection des cultures ; trouver le juste équilibre entre respect de la biodiversité et conditions nécessaires pour assurer la production. 

Les impasses techniques rencontrées par les producteurs de fruits et légumes
En France, la production de fruits et légumes est soumise à de très nombreuses contraintes. La France est l’un des pays d’Europe qui connait le plus d’interdictions et de restrictions en matière de produits phytosanitaires. Pourtant, les véritables alternatives proposées aux producteurs français sont quasiment inexistantes.

La cas des pêches et nectarines
Depuis quelques années, les arboriculteurs font face à de fortes pressions de ravageurs et maladies, conduisant à des pertes de production importantes, voire à des dépérissements d’arbres fruitiers. Les producteurs de fruits sont démunis face à cette situation, craignant la mise en péril de la culture fruitière. La cicadelle par exemple, ravageur qui s’attaque aux jeunes arbres : « un verger de pêchers évalue son potentiel futur durant les 4 premières années de pousse des jeunes arbres. Avec la cicadelle, au bout de 4 ans, l’arbre perd définitivement 20% de son potentiel de production annuelle et donc une partie de sa compétitivité. »

Compte-tenu de la raréfaction des solutions phytosanitaires, la pression augmente fortement depuis quelques années. Aujourd’hui, seules la lambda-cyhalothrine et la deltaméthrine, sont autorisés pour ces usages en France et leur efficacité reste limitée. Les essais d’efficacité et les pratiques passées ont montré que l’acrinathrine et le tau-fluvalinate sont efficaces : il est indispensable de les réhomologuer. 

Le cas des cerises 
Les productions sont directement impactées par l’interdiction du diméthoate, permettant de lutter contre la Drosophila Suzukii. Si l’Imidan (Phosmet) qui l’a remplacé, permet de faire « tenir » la production, sa prochaine interdiction (2022-2023) risque de créer des phénomènes de résistance. D’autres interdictions pourraient intervenir rapidement rendant impossible la lutte contre la Drosophila Suzukii. A ce jour, aucune alternative phytosanitaire totalement efficace n’est donc disponible.

La seule réponse, explique Jean-Christophe Neyron est la pose de filets, qui implique une réadaptation des exploitations et des démarches compliquées à entreprendre notamment pour les vergers anciens. « On ne retrouva jamais les vergers de cerisiers, tels que nous les connaissions, complètement protégés : il est impossible que la protection par filet puisse être mise en place sur la totalité du verger français. Il restera une part qui sera vouée à l'abandon ou à la restructuration. Si les recherches et les expérimentations continuent, elles n’aboutiront qu'à des bouts de solutions qu’il faudra combiner. » 

« Certains vont décrocher et d’autres se spécialiser. Mais dans tous les cas, cela conduira à des pertes de surfaces », ajoute le président de l’AOP Cerises. Par ailleurs, la pose de filets représente un coût de 20 000 à 80 000 euros par hectare selon les choix que l'on fait. L’AOP Cerise de France en partenariat avec les chambres d'agriculture et le CTIFL, travaille à mettre en place un plan d’action qui a pour ambition d’apporter à ses adhérents des solutions réalisables pour le plus grand nombre de situations. Cependant, il est impératif d’obtenir un accompagnement financier à la hauteur de ces ambitions.

Production de pomme
L’interdiction en France de l’acétamipride est un cas très concret de distorsion de concurrence. Cet insecticide néonicotinoïde a pourtant reçu une ré-approbation européenne jusqu’en 2033, et est autorisé par 18 états membres de l’Union européenne. Les conséquences de son interdiction : des interventions plus nombreuses pour maintenir la production (de 4 à 6 contre 2 auparavant), moins efficaces, dommageables pour la faune auxiliaire, sans compter les risques pour le personnel et les problématiques de voisinage.

Véritable impasse technique, cette interdiction engendre un surcoût de 1 000 euros par an et par hectare, c’est-à-dire une augmentation du coût de production de plus de 5 %, déplore Josselin Saint-Raymond. Les productions de pommes sont également impactées par la tavelure. Ce champignon, qui mute rapidement, rend les fruits impropres à la commercialisation et à la consommation. La disparition de certains produits, tels que le captane, et le peu de solutions techniques existantes, interrogent les producteurs sur le maintien de leur production. Avec l’installation de bâches de protection, « on passerait d’un verger qui coûte 45 000 euros/hectare à un verger en coûte 100 000 ». Conséquence inévitable : l’explosion du prix de la pomme en rayon (de 50 à 60 %).

« On est dans une logique de symbole », explique Josselin Saint-Raymond, « l’interdiction ne repose malheureusement pas sur l’autorité sanitaire mais sur une décision politique ». Au regard de ces impasses, se pose véritablement la question de la capacité de la France à produire. Le développement du biocontrôle doit être un complément aux usages de protection phytosanitaire des productions. En aucun cas il n’a la possibilité aujourd’hui être l’unique alternative. »

Réglementation européenne et situation concurrentielle
Les producteurs français sont soumis, en grande partie, à la réglementation européenne. Les matières actives par exemple sont homologuées à l’échelle de l’UE. Toutefois l’homologation d’un produit phytosanitaire revient à chaque état membre. Or, la France a une approche plus restrictive que les autres pays en matière de produits phytosanitaires. Cela se traduit par des distorsions de concurrence importantes, dans un espace européen ouvert.

A cela s’ajoute des coûts de main-d’œuvre moindres à l’étranger, un accompagnement parfois quasi inexistant de l’Etat français et donc des produits français dévalorisés. La montée en gamme pratiquée en France n’est pas valorisable à l’international. Les pommes françaises n’intéressent pas les acheteurs internationaux. Car pour une pomme française achetée, ils peuvent avoir deux pommes italiennes, trois pommes polonaises ou encore 5 pommes turques.

Une dévalorisation par la qualité : l’absence de produits phytosanitaires pour assurer la protection du fruit conduit à des situations de gaspillage et de pertes considérables. « Une pomme française est pourrie à son arrivée dans un conteneur à destination de la Chine ou de la Thaïlande ». Ces 5 dernières années, les pertes de production, représentant 200 000 à 300 000 tonnes, soit un chiffre d’affaires de 200 millions d’euros, cause également de nombreuses faillites. Patrice Vulpian s’interroge sur les clauses miroirs : « si l’on applique à tous les pays nos normes en matière de protection des fruits et légumes, on risque de toucher très vite du doigt la question d’une pénurie de fruits et légumes. »

La question du bio, au cœur d’un paradoxe politique
S’il existe un véritable engouement pour le développement du « bio », cette dynamique ne convainc pas une si grande majorité d’adeptes chez les acheteurs ; en cause notamment, des prix élevés.  Aujourd’hui il n’est pas possible de produire une pomme bio sans demander de dérogation, explique Josselin Saint Raymond. Chaque année 7 à 8 dérogations sont demandées pour protéger les pommes en agriculture biologique.

Selon le politologue, les « anti-pesticides » ont exploité un certain nombre de réflexes du public face aux risques. Les risques les plus anxiogènes pour le grand public sont les risques invisibles et non maitrisables, tels que la radioactivité mais aussi les pesticides. Le grand public n’évalue pas le risque en soi mais le rapport risque-bénéfice ; un bénéfice attendu qui doit être supérieur au risque, pour lui-même, pour la société mais pas nécessairement pour les producteurs.

L’exemple de la Suisse : à l’issue d’une votation, les Suisses se sont exprimés contre l’interdiction des pesticides de synthèse, en considérant que le risque d’une telle interdiction (augmentation prévisible des coûts et mise en cause de la souveraineté alimentaire) était supérieur au risque lié à leur utilisation.

Il est plus aisé de sensibiliser l’opinion lorsque le risque d’interdiction totale des produits phytosanitaires peut créer dans l’immédiat des pénuries, que lorsque leur interdiction est progressive », conclut Eddy Fougier. « L’erreur qui a été faite en Suisse par les organisations écologistes, c’est justement d’avoir voulu la suppression totale des pesticides. S’ils avaient exigé la fin des pesticides les plus risqués, ce serait passé. Au-delà des impasses techniques, l’interdiction des pesticides porte un risque énorme pour la souveraineté alimentaire d’un pays, voire même pour son auto-suffisance alimentaire. »

« D’ici quelques années, il est prévu que près du quart des molécules vont disparaître au niveau européen ; pour amorcer ces changements et adaptations, il faut entre 20 et 50 ans. Ce n’est pas un temps politique, émotionnel mais un temps générationnel. Notre capacité d’investissement aujourd’hui ne permet pas de répondre et les véritables alternatives sont quasi inexistantes. Nous avons besoin de l’État et des instituts techniques pour créer des conditions qui nous permettent de nous battre. »

Les intervenants : Josselin Saint-Raymond, Directeur de l’Association Nationale Pommes Poires ; Patrice Vulpian, Producteur de pêches, nectarines, abricots à Saint Martin de Crau, Bouches-du-Rhône ; Jean-Christophe Neyron, Président de l'AOP Cerises de France et producteur à Malemort-du-Comtat, Vaucluse et Eddy Fougier, Politologue, auteur de « Malaise à la Ferme ». 

Pour plus d'informations : 
contact@sauvonslesfruitsetlégumes.fr 
Tél. : 07 66 50 87 39

Date de publication: